Une histoire de livres: « Oiseaux et changement global »

Comprendre

Nouveau numéro de la série « Une histoire de livres » cette semaine pour vous présenter un ouvrage à la fois passionnant et original de par son angle d’approche : « Oiseaux et changement global: menace ou aubaine? » de Jacques Blondel. Un livre riche d’exemples, aussi agréable à lire qu’à regarder, qui propose un regard qui se veut le plus objectif possible car s’appuyant sur nombre d’observations et d’expériences. 

Une rapide présentation

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Parmi l’offre pléthorique de livres sur les oiseaux, l’ouvrage de Jacques Blondel détonne quelque peu…Et c’est tant mieux! Voilà en effet un livre qui ne parle ni d’identification ni d’oiseaux des jardins ni de conseils pour mieux les accueillir dans son jardin, thèmes très (trop?) souvent abordés. Ici, il est question des conséquences des profondes modifications que l’humain impose, parfois à un rythme effréné, à son environnement.

Jacques Blondel, biologiste, directeur de recherche émérite au CNRS et membre du conseil scientifique de plusieurs espaces protégés, donne le ton dès l’introduction: « L’objet de ce livre est d’illustrer de manière claire et accessible à tous, mais scientifiquement fondée et objectivement présentée, le pour et le contre des nouveaux cadres de vie auxquels les oiseaux sont confrontés, ainsi que certains des mécanismes qui leur permettent de s’y adapter« . Vous l’aurez donc compris: point de militantisme ou d’opinion tranchée ici, il s’agit d’observer des cas concrets, scientifiquement étayés.

De son côté, Jonathan Lhoir, photographe professionnel et lui-même diplômé en environnement et en sylviculture, illustre les exemples et les thématiques développés dans chaque chapitre par des photos naturalistes qui contribuent à rendre la lecture agréable.

Enfin, Gilles Boeuf, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie et Président du Muséum national d’histoire naturelle, signe la préface de cet ouvrage placé sous le signe de la rigueur scientifique.

Terminons sur quelques informations complémentaires :

  • Format : 215 x 245 mm
  • Éditeur : Éditions Quae
  • Prix : 26€
  • Nombre de pages : 144
  • Date de parution : 9 juillet 2015

Des exemples concrets

Le choix du thème du premier chapitre « L’empreinte humaine: les gagnants et les perdants » permet une entrée en matière efficace. Quelque soit la nature du changement (car il n’est pas question dans ce livre uniquement de changement climatique mais bien de changement global), il y a des espèces qui tirent leur épingle du jeu quand d’autres ne peuvent s’adapter. Une situation n’est jamais totalement positive ou négative, Jacques Blondel nous encourage ainsi d’entrée de jeu à observer les exemples à venir sous un angle le plus objectif possible. La nature des changements évoqués dans ce livre est particulièrement variée, aussi ai-je choisi seulement trois exemples.

Les morues et les hirondelles : quand la nature prend un chemin détourné

L’étude des relations entre espèces dans un milieu permet de rendre compte du niveau de complexité de ces relations. On comprend mieux alors pourquoi il est alors très difficile d’envisager toutes les conséquences d’un changement. Dans ce cas précis, l’auteur nous rapporte les résultats d’une étude réalisée sur une petite île en mer Baltique où cohabitent d’immenses colonies d’oiseaux de mer (guillemots de Troïl et pingouins tordas) et des hirondelles de fenêtre. Par des mesures complexes, les scientifiques se sont rendus compte qu’en matière d’exploitation du milieu, les hirondelles étaient plus proches des oiseaux de mer que des autres passereaux. Comment des hirondelles, qui se nourrissent de petits insectes, peuvent-elles dépendre plus du milieu marin que du milieu terrestre? De plus, les scientifiques ont noté que ces populations d’hirondelles et d’oiseaux marins étaient, contrairement à ce que l’on observe ailleurs en Europe, en expansion.

L’étude a alors montré que les diminutions drastiques des stocks de morue, du fait de la surpêche, entraînaient une abondance des sprats, une petite anchois, proie de prédilection des morues. Ce sprat est lui-même un mets de choix pour les oiseaux marins qui s’en délectent et en nourrissent leurs petits. Petits qui rejettent donc dans leurs fientes, autour des nids, des restes de sprats. Des insectes profitent de ces fientes pour émerger, insectes aussitôt gobés par…les hirondelles! Et c’est ainsi qu’il a pu être démontré qu’un déséquilibre d’origine anthropique (la surpêche des morues) permettait à une population d’hirondelles d’une petite île d’être en pleine expansion!

Les mésanges et les chênes : perdre ses repères quand l’habitat se fragmente

La transformation des habitats, leur morcellement et leur homogénéisation font partie des causes majeures de la perte de biodiversité. Certains oiseaux sont capables de s’adapter à des pertes de repères, d’autres éprouvent des difficultés. Ainsi, la Mésange bleue sait parfaitement exploiter les forêts de chêne pubescent, arbre à feuilles caduques autrefois dominant dans les paysages forestiers. Trois semaines après l’éclatement des bourgeons, on observe un pic d’abondance des chenilles, consommatrices de jeunes feuilles. Il s’agit des proies de prédilection des adultes de mésanges bleues, qui en nourrissent leurs petits. Elles synchronisent logiquement leur période de reproduction avec ce pic d’abondance. Or, le chêne vert, a été largement favorisé par les activités humaines ces derniers siècles. Le paysage forestier est aujourd’hui une mosaïque de bois de chêne vert et de bois de chêne pubescent. Or, le débourrement du feuillage est plus tardif d’un mois chez le chêne vert. Pourtant, on a observé que les mésanges ne modifient pas leur date de reproduction et, de ce fait, rate le pic d’abondance de proies. Mais pourquoi les mésanges n’arrivent-elles pas à s’adapter à cette essence ?

Il semblerait que bois de chêne vert et bois de chêne pubescent sont souvent bien trop proches. Leurs distances sont inférieures au rayon moyen de dispersion des mésanges. De ce fait, les populations de mésanges de chêne vert, qui devraient s’éteindre naturellement, sont alimentées par des individus en provenance des bois de chêne pubescent, qui se portent parfaitement bien. Cette dispersion empêche une adaptation locale des mésanges de chêne vert puisque les mésanges immigrantes apportent un matériel génétique spécial « chêne pubescent ». Les fragmentations de l’habitat ont donc parfois des conséquences auxquelles les oiseaux ne peuvent génétiquement pas s’adapter.

Les Fous du Cap : quand l’abondance de ressources ne profite pas toujours

On sait aujourd’hui que les bateaux de pêche collectent dix fois plus d’organismes marins sans valeur marchande que de poissons comestibles. Ces déchets ainsi que les abats des poissons dépecés à bord sont rejetés à la mer. Pour la plus grande joie de certains oiseaux marins. Ainsi, on pourrait penser que ces déchets leur sont favorables et compensent la raréfaction de leurs proies naturelles. Or, des études récentes réalisés sur les Fous du Cap, en Afrique Australe, ont montré que cette ressource artificielle est un leurre. Si cela permet aux adultes de maintenir un taux de survie stable, ce n’est pas le cas pour les jeunes. En effet, la valeur calorifique des abats est moitié moins élevée que celle de leurs proies naturelles (anchois et sardines, victimes de surpêche). De plus, les rebuts sont pauvres en acides gras essentiels à la croissance des jeunes. Ces rejets de pêche sont donc un piège écologique qui ne permettra pas de maintenir à long terme une population de fous viable.

Le verdict d’UHDP

La richesse des exemples, la rigueur scientifique de l’auteur et l’illustration par des photos naturalistes rend « Oiseaux et changement global, menace ou aubaine? » particulièrement intéressant et pertinent. Pertinent car il est désormais acquis que l’avifaune, et la biodiversité de manière générale, pâtit des modifications que l’homme fait subir à son environnement. Tout l’intérêt de ce livre réside dans la façon objective dont sont présentées différentes réponses d’espèces. Ni catastrophiste ni optimiste, le propos de Jacques Blondel est au fil des pages toujours plus éclairant. Il en résume parfaitement, dans sa conclusion, sa teneur:

« On aura vu aussi dans ces pages que si par la profondeur de leur empreinte, les humains empiètent exagérément sur l’espace auquel le vivant non-humain a légitimement droit, on observe que des actions de conservation et de restauration, pour peu qu’elles soient intelligemment conduites, peuvent réhabiliter des espèces et des espaces. Rien ne fut dit dans ces pages des aspects philosophiques et éthiques de ces questions; ils sont l’objet d’actives recherches et réflexions mais relèvent d’un autre discours. Si ce livre, conçu pour être agréable à regarder et à lire, peut contribuer à convaincre le lecteur que le monde des oiseaux, toute petite partie émergée d’un immense iceberg de vie sauvage, a droit au respect et à la vie, il aura rempli son but.« 

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Sources et recommandations :

Précision utile : cette série d’articles n’est pas sponsorisée. Je n’ai aucun lien avec les auteurs et les maisons d’éditions. Il s’agit tout simplement de vous présenter des livres susceptibles d’intéresser des amateurs d’ornithologie.

Une histoire de plumes

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