Alors que le porte-conteneurs Grande America a coulé le 12 mars 2019 par 4600m de fond au large des côtes françaises, faisant craindre une marée noire d’ampleur, intéressons-nous d’un peu plus près à ce phénomène de marée noire et surtout à ses conséquences sur l’avifaune.
Qu’est-ce qu’une marée noire ?
Une marée noire est le résultat d’un déversement localisé et brutal de grandes quantités d’hydrocarbures dans le milieu naturel. Les origines sont diverses : naufrages de pétroliers et de porte-conteneurs, accidents sur des plates-formes pétrolières, dégazage d’un navire, résultat d’un conflit armé…Ainsi, le sabotage en pleine guerre du Golfe du terminal pétrolier de Mina al Ahmadi entraînera le déversement de près de 1.447.000 tonnes de pétrole dans le golfe Persique. Il s’agit à ce jour de la pire marée noire jamais observée.
Des marées noires catastrophiques
Paradoxe : certaines marées noires ont été plus médiatisées que d’autres alors que la quantité de pétrole larguée dans la nature était plus faible. Ainsi, le 13 novembre 2002, le navire Prestige sombre au large de l’Espagne, larguant 64.000 tonnes de pétrole. La pollution s’étale sur 1000km de littoral. Des opérations permettent de récupérer le tiers du contenu de pétrole en mer. En matière de récupération de pétrole et de lutte contre la pollution du littoral, la marée noire liée au Prestige donnera lieu à une mobilisation sans précédent en Europe.
Beaucoup plus silencieusement, l’une des pires marées noires aux Etats-Unis se répand depuis quinze ans dans le Golfe du Mexique, dans une lourde indifférence. En 2004, à 20km des côtes de Louisiane, la plate-forme pétrolière de la société Taylor Energy Company subit un glissement de terrain. L’entreprise tente de colmater les forages d’où le pétrole s’échappe mais les ouragans Katrina et Rita de 2005 mettent un terme aux tentatives de colmatage. Depuis, entre 37.000 et 113.000 litres de pétrole s’écouleraient quotidiennement des puits.
Parmi les plus grosses marées noires ayant eu lieu en France, citons l’Amoco Cadiz qui, avec ses 227.000 tonnes de pétrole, aura pour conséquence la plus grande marée noire par échouement de pétrolier jamais enregistrée dans le monde. Le naufrage de l’Erika, il y a 20 ans, au large de la Bretagne, polluera avec ses 20.000t de fioul lourd 400km de littoral.
Tous ces chiffres vous effraient ? En voici un beaucoup plus terrifiant: 3 millions de tonnes d’hydrocarbures se répandent annuellement dans les océans. Seul 10% proviennent des navires…
Les conséquences sur l’environnement
Lorsque des hydrocarbures s’échappe d’un navire, la nappe qui se forme à la surface affecte la faune qui fréquente ses eaux de surface, que ce soit les mammifères qui viennent respirer en surface et les oiseaux marins qui plongent pour pêcher.
Chez les oiseaux, la souillure du plumage par les hydrocarbures entraîne une diminution de l’isolation thermique et de flottabilité. L’oiseau risque d’ingérer les hydrocarbures en tentant de s’en débarrasser. Les yeux sont également affectés. Avec un plumage moins efficace, plus sensibles au froid, ne pouvant se nourrir convenablement et lentement intoxiqués par l’ingestion de produits toxiques, les oiseaux mazoutés n’ont qu’une faible chance de survie.
Si les centres de soins ont désormais les compétences et un matériel efficace pour prendre en charge les oiseaux mazoutés, le taux de mortalité reste très élevé. En effet, cumulé à la pollution due aux hydrocarbures, le stress lié à sa capture et ses soins peut s’avérer fatal.
Mais les oiseaux ne sont bien évidemment pas les seuls touchés. Les constituants du pétrole sont en effet toxiques pour les végétaux et les animaux marins. Le plancton est également touché. Or, il s’agit d’un élément fondamental dans la chaîne alimentaire marine puisque les grands mammifères marins s’en nourrissent. Les hydrocarbures affectent les poissons pélagiques et les mollusques filtreurs.
Les espèces peuvent être impactées à différents niveaux, autres que physiologiques. On peut observer un changement du comportement alimentaire, une accélération de l’activité métabolique, une réduction de la fécondité ou encore une altération du comportement migratoire.
Que faire si vous trouvez un oiseau mazouté ?
Les espèces d’oiseaux marins les plus concernées sont de manière générale les oiseaux pélagiques mais pas seulement. Alcidés, Laridés, Fous de Bassan, macreuses, plongeons, puffins, limicoles, océanites et cormorans sont en première ligne. Affaiblis par le manque de nourriture et une mauvaise isolation du plumage, il est alors possible de les trouver sur les plages. Si vous trouvez un oiseau mazouté vivant, suivez les conseils indiqués par la Ligue de Protection des Oiseaux :
« Ne le touchez pas sans gants, les produits qui le recouvre peuvent être toxiques voire cancérigènes. Protégez-vous les voies respiratoires. Approchez-le côté mer pour ne pas le repousser à l’eau et l’attraper le plus doucement possible. Utilisez une couverture, une veste, un tissu afin d’immobiliser l’animal sans risque en veillant à maintenir les ailes collées au corps et à couvrir la tête (pour ne pas effrayer l’oiseau).
Lors de la manipulation, tenez l’oiseau écarté de votre visage et faites attention au bec, En attendant son transport, placez l’oiseau à l’abri dans un carton percé de trous et garni de papier et maintenez-le au chaud et au calme. Il ne faut en aucun cas lui donner à boire ou à manger, ni tenter de le laver vous-même. »
Contactez impérativement un centre de soins pour la faune sauvage : en effet, le transport d’espèces protégées est réglementé. De plus, seul leur personnel dispose des compétences et du matériel indispensables aux soins de ces espèces.
Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest et LinkedIn.
Sources et recommandations :
- www.marees-noires.com
- Les décodeurs, « Une des plus grosses fuites de pétrole aux Etats-Unis se répand depuis quatorze ans« , publié le 26 octobre 2018.
- Crédits photos (dans l’ordre d’utilisation) : davepatten, marinephotobank, ARLIS Reference, IBRRC
- Image à la Une : Thomas Somme