Le Muséum national d’histoire naturelle, la Ligue de Protection des Oiseaux et l’Office français de la biodiversité ont dévoilé le 31 mai 2021 le bilan de trente ans du programme STOC, le Suivi Temporel des Oiseaux Communs, et le constat est sans appel. Si certaines espèces présentent des effectifs stables voire en expansion, d’autres sont en déclin. Si les causes de cette tendance sont souvent multifactorielles, on note que les espèces des milieux agricoles et les oiseaux des milieux bâtis sont celles qui paient le plus lourd tribut. Intéressons-nous aujourd’hui à cinq facteurs impactant grandement la bonne santé de cinq espèces dites « communes » mais qui tendent à le devenir de moins en moins. Attention, si j’ai choisi de présenter un cas pour illustrer un facteur, celui-ci n’est pas le seul responsable du déclin de l’espèce. Il est une cause principale mais malheureusement pas la seule variable de l’équation.
La disparition des insectes : le cas de l’Alouette des champs
L’Alouette des champs est un passereau typique des milieux herbacés ouverts où elle peut chercher sa nourriture au sol. A l’origine inféodée aux pelouses naturelles, dans les landes, les steppes et les bordures de marais, on la rencontre aujourd’hui majoritairement dans les paysages agricoles.
Deux études publiées en 2018 par le MNHN et le CNRS de Chizé l’ont montré : en 17 ans, un tiers des oiseaux communs ont disparu des paysages agricoles. Le Pipit farlouse ? – 68% en 17 ans. La Linotte mélodieuse ? – 27%. Plus grave encore, les situations de l’Alouette des champs et de la Perdrix grise dont les populations ont diminué respectivement de 50 et 90% en 25 ans.
Un point étonne les chercheurs: les populations des oiseaux des milieux agricoles régressent toutes à la même vitesse, même chez les espèces les plus généralistes, là où les espèces vivant en milieux boisés restent à des niveaux stables. En plus de connaître une dégringolade de leurs effectifs, ces oiseaux des champs ont un autre point commun: ils ont besoin d’une quantité importante d’insectes en période de nidification, un apport protéique indispensable pour nourrir les jeunes.
L’intensification de l’agriculture, par l’augmentation des surfaces dédiées aux monocultures et la diminution des surfaces en jachères, est la principale responsable de la disparition des insectes. Le recours massif aux pesticides en est un autre. Pour rappel, des études récentes ont montré que l’Europe aurait perdu 80% d’insectes volants en 30 ans. Sans ressources alimentaires suffisantes, impossible de se nourrir correctement et d’avoir des oisillons qui survivent jusqu’à l’envol.
La disparition des haies : le cas du Tarier pâtre
Autre passereau des milieux ouverts, cultivés ou non: le Tarier pâtre. Ce membre de la famille des Muscicapidés est presque exclusivement insectivore. Il se perche depuis un point de vue dominant (poteau, arbuste, piquet…) et chasse à l’affût. Autre élément indispensable à son cycle de vie: des zones de végétation denses et basses au sein desquelles il pourra établir son nid en toute sécurité.
Offrant le gîte et le couvert, les haies sont des milieux particulièrement favorables aux oiseaux. Oiseaux mais aussi insectes, rongeurs, reptiles, c’est tout un écosystème qui s’y épanouit. Or, avec l’uniformisation des paysages agricoles, ces habitats uniques ont été détruits en masse. Ainsi, depuis 1950, 70% des haies ont disparu des bocages en France.
Dans le cadre du Plan de relance, un programme « Plantons des haies ! » est en cours sur l’année 2021. Il a pour objectif de reconstituer les haies bocagères entourant les cultures et « de parvenir à la plantation de 7000 km de haies et d’alignements d’arbres intraparcellaires sur la période 2021-2022.« . Affaire à suivre…
Le manque de sites de reproduction : le cas de l’Hirondelle rustique
Oiseau emblématique de la migration, l’Hirondelle rustique est une espèce très appréciée du grand public. Bon nombre de personnes sont attentives à leur présence et guettent leur retour chaque année. Insectivore strict, les hirondelles souffrent de la diminution drastique de leurs ressources alimentaires. Mais elles sont également particulièrement touchées par la diminution des habitats potentiels.
En priorité, les hirondelles rustiques choisissent des étables, des écuries et des granges pour établir leur nid. Ce n’est que si ces habitats ne sont pas disponibles qu’elles se tourneront vers d’autres endroits abrités. Or, les étables ont peu peu disparu, les bâtiments se sont modernisés. Lorsqu’elles reviennent de migration, bon nombre d’entre elles ne retrouvent pas leur lieu de nidification de l’année précédente. L’artificialisation de plus en plus importante privent les hirondelles de cavités où nicher. De même, il leur est de plus en plus difficile de trouver des zones de boue qui leur permettent de façonner leurs nids. Résultat: les effectifs des hirondelles rustiques ont diminué de plus de 30% en 30 ans, voire de plus de 50% localement. Aussi, des initiatives voient le jour afin de leur donner un « coup de pouce » en installant des « bacs à boue » dans des zones fréquentées par les hirondelles.
Les ouvrages humains : le cas du Milan royal
Rapace légèrement plus grand que la Buse variable, le Milan noir est un oiseau typique des zones agricoles ouvertes. Il montre une préférence pour les pâtures et les prairies. En France, il apprécie particulièrement les paysages vallonnés.
Il sait exploiter à merveille les milieux ouverts avec un régime alimentaire varié, constitué en grande majorité de micromammifères (campagnol des champs, campagnol terrestre et taupe). Opportuniste, il se nourrit également d’oiseaux, d’invertébrés mais aussi de charognes. Le Milan royal a connu une régression de ses effectifs dans quasiment toute son aire de répartition au milieu du XIXème siècle. Cette tendance s’est toutefois inversée en France dans les années 70 grâce à la protection légale de tous les rapaces (en 1972). Malgré cela, les différentes enquêtes de terrain montrent qu’il s’agit aujourd’hui d’une espèce menacée. Les effectifs ont chuté et son aire de répartition a diminué.
Là encore, l’agriculture a un impact majeur sur la bonne santé des populations. De plus, de part son mode de prospection alimentaire, le Milan royal est victime de nombreuses collisions routières lorsqu’il cherche à se nourrir d’une charogne tuée sur la route. Il est également victime d’électrocution et de collisions avec le réseau électrique. Les ouvrages éoliens peuvent également présenter un risque. Les dérangements près des nids (exploitation, travaux agricoles, passages d’engins…) provoquent souvent un échec de la reproduction.
La France abritant 12% de la population mondiale de Milan royal, elle a une responsabilité majeure dans sa conservation. Un nouveau Plan national d’actions a donc été lancé en 2018, pour une durée de 10 ans. Au mois de juin 2021, des balises GPS seront posés sur 30 jeunes individus dans le cadre du programme international LIFE EUROKITE afin d’en savoir plus sur son cycle de vie et l’impact des activités humaines sur celui-ci.
Le changement climatique : le cas du Coucou gris
Oiseau migrateur au chant bien connu, le Coucou gris fréquente une grande variété de milieux, des boisements de feuillus ou de conifères à la prairie et au marais. Son mode de reproduction atypique le distingue de bien des espèces. Parasite, la femelle du Coucou gris dépose ses œufs dans les nids d’autres oiseaux. En roselière, le nid de la Rousserolle effarvatte est souvent parasité ainsi que le nid du Rougegorge dans d’autres milieux. Une fois éclos, le poussin du Coucou a le reflexe d’éjecter du nid tout autre œuf. Il sera donc le seul pris en charge par ses « parents ».
Or, les scientifiques ont noté que sous les effets du changement climatique, les printemps sont de plus en plus précoces en Europe. Lorsque les coucous arrivent d’Afrique pour se reproduire, les rouges-gorges ont déjà largement entamé leur nidification et il est trop tard pour que les femelles des coucous y déposent leur œuf.
De même, des espèces d’oiseaux migratrices insectivores dépendantes d’un type d’insectes peuvent désormais se retrouver en décalage avec le cycle de vie de l’insecte. Ce défaut de synchronisation entre le cycle de l’oiseau et de l’insecte est terriblement préjudiciable pour les effectifs des oiseaux.
Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest et LinkedIn.
Sources et recommandations :
-
- Photographies (dans l’ordre) : serguei_30, emiliechenphotography, Ignacio Ferre, gilgit2 on Visualhunt
- Sites web : www.oiseaux.net, www.lejournal.cnrs.fr, www.rapaces.lpo.fr, « Comment les oiseaux s’adaptent-ils à un climat qui change ?«
- Image à la Une : Canva