Focus sur…Le Grand Tétras

Comprendre

Nouveau numéro de « Focus sur… », cette série qui s’intéresse à une espèce ou une famille d’oiseaux qui rencontre une problématique comme une cohabitation difficile avec l’humain. Le sujet de ce numéro : le Grand Tétras.

Qui est le Grand Tétras ?

Le Grand Tétras, aussi appelé parfois Grand coq de bruyère, est le plus gros galliforme (communément appelé « gallinacé ») européen. Il appartient à cette famille qui comprend également les dindes, les poules, les faisans ou encore les cailles. Si on connait 9 sous-espèces de Grand Tétras, seulement deux sont présentes en France : Tetrao urogallus major (Vosges et Jura) et Tetra urogallus aquitanicus (Pyrénées).

Le dimorphisme sexuel chez cette espèce est flagrant. Les mâles sont deux fois plus gros que les femelles, ils atteignent un poids compris entre 3 et 4kg. Leur plumage est sombre, la tête et le cou sont massifs, la queue est large. La femelle (ou poule) présente un plumage dans les tons roux et pèse entre 1.5 et 2.5kg.

L’aire de répartition du Grand Tétras est vaste, on le retrouve aussi bien en Europe qu’en Asie, de l’Ecosse jusqu’en Sibérie jusqu’en Chine. Certaines populations sont isolées en Europe. Dans nos régions, il investit les forêts de conifères de montagnes alors qu’en Asie et en Scandinavie, on peut également le retrouver en plaine. 

 

Si son régime alimentaire varie en fonction des saisons, le Grand Tétras est avant tout un amateur de végétaux. Les poussins sont essentiellement insectivores jusqu’à l’âge d’un mois. Leurs besoins en protéines va décroître au fur et à mesure et leur régime alimentaire va être similaire à celui des adultes à partir de 11 semaines. De novembre à avril, le Grand Tétras va se nourrir d’aiguilles de conifères qu’il peut assimiler grâce à un système digestif à la faune bactérienne particulière. La neige recouvrant le sol, il passe la majeure partie de son temps dans les arbres. Au printemps, il va diversifier son régime alimentaire : bourgeons, chatons de saules et de bouleaux, pousses de plantes herbacées.

Au printemps, les mâles paradent sur des « places de chants » où ils sont repérés par les femelles. Ils ajoutent à leur parade des chants et peuvent parfois se battre avec un autre mâle pour gagner les faveurs d’une femelle. Quelques jours après l’accouplement, la femelle pondra entre 6 et 9 œufs qu’elle couvera dans un nid sommaire. Les petits sont nidifuges, à peine nés, ils quittent le nid. Les proies riches en protéines dont ils se nourrissent (criquets, chenilles…) leur permettent de grandir vite : 2kg en 3 mois pour un jeune mâle !

Un oiseau protégé…ou presque !

 

Les menaces sont nombreuses sur cet oiseau de montagne. La dégradation et la modification des habitats sont des facteurs majeurs de son déclin, comme pour de nombreuses espèces. Ainsi, la fermeture des milieux due à un pâturage moindre et l’intensification de la sylviculture perturbe les exigences écologiques du Grand Tétras. L’implantation d’infrastructures afin de développer les domaines skiables fractionnent les habitats favorables. Le développement des activités touristiques en montagne entraîne de forts dérangements sur cette espèce sensible.

Or, en hiver, le Grand Tétras ne peut se permettre de dépenser de l’énergie inutilement. Les conditions météorologiques le contraignent, comme d’autres espèces de montagne, à un rythme de vie plus « ralenti ». Tout dérangement met directement en péril la survie d’un oiseau. Le braconnage et la chasse dans certaines zones impactent également la densité des populations. Enfin, les conséquences du changement climatique influencent le succès de la reproduction.

Le Grand Tétras a fini par disparaître des Alpes françaises en 2000 et ses populations connaissent un déclin important dans les autres massifs (Cévennes, Jura, Vosges et Pyrénées). Depuis 30 ans, les effectifs régressent de façon continue. On estime qu’il reste environ 4500 individus en France, 90% se situant dans les Pyrénées. Pour tenter de contrer la diminution de ses populations, une stratégie nationale en faveur du Grand Tétras a été mise en place et est en cours depuis 2012 et ce, pour 10 ans.

Le statut de protection du Grand Tétras est incongrue. Il est totalement protégé dans les Cévennes où il a été réintroduit. Sa chasse a été suspendue en Haute-Savoie en 1967, en 1973 dans le Jura et en 1974 dans les Vosges. Mais dans les Pyrénées, massif qui concentre la plus grosse partie des populations, la chasse des mâles est…autorisée.

La fin d’une bataille juridique ?

 

Le Grand Tétras est au cœur d’une bataille juridique, entre chasseurs et associations de protection de la nature, qui dure depuis plus de dix ans. Chaque année, des arrêtés préfectoraux autorisaient la chasse très règlementée du Grand Tétras et chaque année, les associations les contestent en justice, demandant à ce que cet oiseau soit protégé et donc non chassable, comme il l’est dans le reste de son aire de répartition française.

Depuis 2022, et l’arrêté ministériel du 1er septembre, le Grand Tétras est protégé par un moratoire de 5 ans, sa chasse ayant été jugée incompatible avec le mauvais état de conservation de ses populations. L’arrêt de la chasse du Grand Tétras en France métropolitaine doit permettre leur reconstitution au sein de son aire de distribution, bien que, comme précisé dans l’arrêté, la durée du moratoire puisse être révisée avant son terme si de nouvelles données apportaient la preuve d’une évolution suffisamment favorable.

Un projet d’introduction largement contestée

 

Si le Grand Tétras est revenu au cœur de l’actualité récemment, ce n’est donc plus pour des questions de chasse mais en raison d’un projet controversé d’introduction de nouveaux individus dans le massif des Vosges. Porté par le Parc Naturel Régional (PNR) des Ballons des Vosges, validé par son Comité syndical constitué de représentants de communes, des conseils départementaux et du Conseil régional, ce projet de « renforcement » prévoit la capture de 40 oiseaux adultes par an en Norvège, durant cinq ans, oiseaux qui seraient ensuite relâchés dans le massif vosgien.

Associations naturalistes, scientifiques et experts ont alerté sur l’échec annoncé de cette opération. Espèce particulièrement farouche, le Grand Tétras a besoin de quiétude. Introduire de nouveaux individus, en provenance d’une région aux conditions climatiques si différentes, sans limiter la pression touristique et la dégradation des habitats ne peut constituer une solution satisfaisante. En effet, de nouveaux aménagements touristiques, tels qu’une via ferrata, sont prévus dans le massif. On a donc du mal à imaginer comment de tels projets peuvent être compatibles avec le renforcement d’une population de grands tétras.

Alors que la consultation publique a recueilli une très large majorité d’avis défavorables et que plusieurs associations environnementales ont porté l’affaire en justice (sans succès), le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel du Grand Est et le Conseil national de protection de la nature avaient rendu, en février 2023, des avis défavorables au projet. Le conseil scientifique du PNR des Ballons des Vosges a lui aussi pointé du doigt un « risque d’échec très important ».

Un quasi consensus donc contre ce projet contre-productif, autorisé par la justice malgré l’absence de mesures de protection globales de l’espèce, indispensables à sa survie.

L’info-bonus : « coq mou – coq fou »

Le Grand Tétras est, en temps normal, un oiseau très farouche et difficile à observer. C’est son caractère discret qui le rend particulièrement sensible aux dérangements. Sur le long terme, ces perturbations mettent en péril la bonne santé des populations.

Pourtant, il arrive que certains individus souffrent d’un trouble du comportement qui les rend moins farouches. Ils ne respectent plus leur distance de fuite habituelle et se rapproche des humains par deux attitudes. Le Grand Tétras peut ainsi montrer une indifférence ou un curiosité envers un humain : on l’appelle le « coq mou ». A l’opposé, il peut se montrer particulièrement vindicatif, par des comportements de parade nuptiale démonstrative : c’est un « coq fou ». Les origines de ces deux comportements sont mal connues, aussi, la terminologie de « coq fou / coq mou » n’a pas de valeur scientifique.

Le nombre de cas recensés n’a cessé d’augmenter ces 30 dernières années d’après une étude menée en France, en Suisse et en Italie. Ce trouble du comportement toucherait 1 individu sur 1000 pour les populations en bonne santé. Pour « nos » populations, dont la dynamique est moins bonne, le ratio serait de 1 sur 100. Dans la majorité des cas, ce comportement est observé chez les mâles. Il semble que les deux attitudes alternent chez un même individu. Pour autant, on ne peut pas considérer cette perturbation comme une maladie. Néanmoins, elle diminue l’espérance de vie des grands tétras car les risques de braconnage, de chocs avec des véhicules et des attaques par des chiens sont beaucoup plus grands.

On connait mal les raisons de ces comportements. Origine génétique, trop faible sociabilisation en raison de la petite taille de la population…L’hypothèse actuellement préférée par les scientifiques est un excès de dérangements dans les premiers mois de vie de l’oiseau. En effet, un grand nombre d’observations de « coqs mous » sont faites sur des mâles de première année.

Deux exemples en vidéo avec tout d’abord une altercation « Grand Tétras-Skieurs ». 

Attention à ne pas confondre ces comportements anormaux avec de la défense de territoire. Si le Grand Tétras défend effectivement son territoire contre ses congénères, il reste méfiant envers l’humain. Ce qui n’est pas du tout le cas de ce Grand Tétras en Ecosse.

Ce mâle a agressé les promeneurs et les cyclistes pendant trois ans. Il a été tué par un chien en 2012.

Coq mou - Le Grand Tétras - nouvel article du bird-blog d'une histoire de plumes

Un « coq mou » aux abords d’une piste de ski, un comportement totalement inhabituel pour cette espèce si farouche. (Photo issue du site Groupe Tétras Jura)

Envie d’en savoir plus sur cet oiseau épatant ? Voici deux conseils de lectures :

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Sources et recommandations :

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