Focus sur…l’Aigle de Bonelli

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Cette semaine, on ouvre un nouveau numéro de « Focus sur… » pour s’intéresser au cas de l’un des rapaces les plus menacés en France: l’Aigle de Bonelli.

L’Aigle de Bonelli : petite présentation

L’Aigle de Bonelli est un rapace diurne de la Famille des Accipitridés (Lire l’article Une histoire d’Oiseaux: les Rapaces). Avec une envergure comprise entre 150 et 170cm et un poids compris entre 1.5 et 2.5kg, il est plus petit que le célèbre Aigle royal. Comme chez la majorité des rapaces diurnes, la femelle est plus grande que le mâle. La majorité de son plumage est claire, à l’exception des ailes qui sont sombres. Ce contraste est caractéristique de l’espèce et un critère d’identification majeur. Enfin, l’autre principal critère est la tâche pâle sur son dos, unique à l’espèce, tâche qui grandit avec l’âge. De part sa taille et son plumage, l’Aigle de Bonelli peut être facilement confondu en vol avec le Circaète Jean-le-Blanc, voire avec une Bondrée apivore

L’Aigle de Bonelli étant plutôt exigeant concernant son habitat, vous ne le rencontrerez pas partout. En effet, il est strictement inféodé aux milieux semi-arides des régions ensoleillées de type méditerranéen. Pour chasser, il survole les milieux ouverts comme les garrigues, les vignes et les coteaux calcaires. Il niche sur les falaises typiques des milieux méditerranéens de basse altitude.

L’aire de répartition de l’Aigle de Bonelli dans le monde est divisée en deux zones principales : une première zone autour de la Méditerranée, au Proche et au Moyen-Orient puis une seconde zone en Asie, notamment en Chine méridionale. La France est sa limite nord de sa répartition mondiale. Il est présent dans trois régions : Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes.

La population mondiale d’Aigle de Bonelli est estimée à 10.000 couples. L’Europe compte environ 1000 couples : 733-768 en Espagne; 105-115 au Portugal; 100-140 en Grèce, 40 à Chypre, 50-100 en Turquie (données de 2010). En France, la population était en 2019 de 38 couples. Ils sont répartis sur sept départements du pourtour méditerranéen. L’Aigle de Bonelli est ainsi l’un des oiseaux les plus menacés de notre pays.

La conservation de l’espèce en France

Comme toutes les espèces de rapaces, l’Aigle de Bonelli est protégé en France par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il est également inscrit sur la Liste Rouge des espèces menacées dans la catégorie « en danger », d’après les critères du livre rouge de l’IUCN. De plus, à l’échelle européenne, l’Aigle de Bonelli figure à l’annexe I de la Directive “Oiseaux” relative à la conservation des oiseaux sauvages.

Entre 1970 et 1990, les effectifs d’Aigle de Bonelli ont chuté partout sur son aire de répartition. Cette tendance s’est également observée en France, en Italie et en Turquie. Ainsi, le nombre de couples nicheurs en France a diminué de 60% tout au long du XXème siècle.

En France, les différentes études scientifiques réalisées sur ce rapace depuis maintenant 40 ans ont identifié les menaces qui pèsent sur lui :

  • Comme pour de nombreux rapaces, le taux de reproduction est naturellement très faible. Cette caractéristique empêche une reconstitution pérenne des effectifs. L’âge moyen des reproducteurs est de 11 ans, l’Aigle de Bonelli étant une espèce longévive qui peut atteindre les 30 ans en milieu naturel.
  • L’électrocution sur les lignes moyenne tension.
  • La persécution par le tir, le piégeage et l’empoisonnement. Un à deux oiseaux plombés sont retrouvés chaque année, un phénomène qui augmente depuis 2008.
  • Les dérangements du nid lors de la période de reproduction, les rapaces étant des oiseaux très sensibles à cette menace.
  • Les modifications des pratiques agricoles qui changent son territoire de chasse et réduisent les habitats favorables à ses proies de prédilection, notamment la Perdrix rouge et le Lapin de garenne.
  • La non-prise en compte du territoire vital de cette espèce lors de l’installation de projets éoliens ou photovoltaïque.

Le Plan National d’Actions 2014 – 2023

Pour tenter d’enrayer cette diminution des effectifs en France, différentes opérations ont été mises en place et ce, dès 1978. Le premier plan de sauvegarde de l’Aigle de Bonelli a été lancé en 1984. Il a permis d’améliorer la connaissance sur la biologie de cette espèce et de sensibiliser les acteurs locaux, les gestionnaires et les utilisateurs du milieu. Plusieurs plans de restauration de l’espèce se sont ensuite succédé depuis 1999.  La population française est « naturelle », elle n’a jamais fait l’objet de lâchers ou de programmes de réintroduction, le PNA s’étant prononcé contre. Toutefois, deux centres d’élevages français UFCS-LPO travaillent avec des structures espagnoles où les individus nés en captivité sont relâchés. Au fil des années, la poursuite des plans de restauration ont permis des suivis scientifiques pour l’amélioration des connaissances, la mise en place de partenariats avec ERDF pour diminuer le risque d’électrocution, la concertation avec les acteurs locaux pour limiter le dérangement…

Le nouveau Plan National d’Actions, validé en 2013, comprend 7 objectifs déclinés en 27 actions. Dans la continuité de l’ensemble des efforts entrepris depuis 40 ans, il doit permettre de maintenir voire d’améliorer les effectifs de ce rapace unique.

Deux Aigles de Bonelli criblés de plombs

Si j’ai décidé de consacrer un article du Bird-Blog à ce rapace souvent méconnu du grand public, c’est parce que deux juvéniles ont été retrouvés morts, plombés, en novembre dernier, près d’une palombière. L’annonce a été faite mardi 18 février 2020 par la préfecture de la région Occitanie. Or, l’Aigle de Bonelli est une espèce longévive, elle base sa stratégie de reproduction sur le long terme. Les adultes ne produisent qu’un à deux poussins. Une fois qu’ils quittent le nid, ils vont vivre une longue période d’erratisme avant d’être sexuellement matures. Avec une population à peine viable de 38 couples, la mort de ces deux juvéniles français porte clairement un coup aux efforts non seulement humains mais financiers consacrés depuis des années à cette espèce. Si un effectif mondial de 10.000 couples peut paraître suffisant à la survie de cette espèce, les populations sont en déclin quasiment partout dans le monde. Si un rapace comme l’Aigle de Bonelli venait à disparaître, au-delà de la question éthique, quid de l’explosion des populations de ces proies ? Les exploitants de milieu agricole et ouverts pourront-ils encore se plaindre des ravages causés par les rongeurs sur leurs cultures lorsque les prédateurs naturels auront disparu ? Alors que la destruction d’espèces protégés est passible de deux ans d’emprisonnement et de 150.000€ d’amende, ces peines seront-elles un jour enfin appliquées pour dissuader d’autres braconniers ? L’Aigle de Bonelli, comme les autres rapaces de France, a sa place dans nos paysages, sa disparition ne saurait être sans conséquences dramatiques pour le fonctionnement de son écosystème.

Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur FacebookTwitterInstagramPinterest et LinkedIn

Sources et recommandations :

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