Cette semaine, on s’intéresse à un sujet plutôt méconnu : le sommeil des oiseaux.
Un sommeil réparateur
L’activité principale chez un oiseau est la recherche de nourriture et l’alimentation de manière générale. Chez les oiseaux qui font face à une pression de prédation importante, la surveillance de prédateurs potentiels occupent également une partie de la journée. Le reste du temps, ils vont pouvoir dormir ou, tout du moins, se reposer. Le sommeil occupe environ 1/3 de leur journée. Ce temps est évidemment très variable selon les espèces, la saison et les conditions météorologiques.
Assez logiquement, les oiseaux diurnes dorment la nuit et les oiseaux nocturnes le jour. Certains, comme les canards ou les limicoles, se reposent aussi bien de jour comme de nuit.
En hiver, les nuits sont plus longues, les oiseaux dorment donc plus : par exemple, l’Eider à duvet peut dormir deux à trois heures de plus en hiver qu’en été.
Se trouver un lit sûr
Contrairement à une idée très répandue, les oiseaux ne dorment pas dans leur nid. Celui-ci n’est utile qu’en période de reproduction. En effet, rester sur une longue période à un endroit fixe peut augmenter la probabilité de se faire repérer par un prédateur. En dehors de cette période, peu d’espèces aménagent un nid pour dormir.
Les Républicains sociaux font figure d’exception : comme nous l’avions vu dans l’article Toi plus moi plus eux : la sociabilité chez les oiseaux, ces oiseaux africains, endémiques des zones arides du sud de l’Afrique, construisent d’énormes nids collectifs. Ces nids, qui peuvent accueillir jusqu’à 500 oiseaux, sont très bien structurés: les chambres situées vers l’intérieur du nid sont utilisées la nuit. Les oiseaux dorment ainsi « au chaud »! Les chambres situées en périphérie du nid sont utilisées le jour, quand les oiseaux ont besoin d’ombre.
David Attenborough présente un nid de Républicain social dans cette vidéo incroyable :
Mais si les oiseaux ne dorment pas dans leur nid, où dorment-ils ? Quand ils en ont la possibilité, beaucoup d’oiseaux se reposent au milieu de plans d’eau où ils sont le plus à l’abri des prédateurs terrestres. Cela peut être sur l’eau, comme les canards, ou sur de petits îlots.
La grande majorité des oiseaux se perchent sur des branches : là encore, pouvoir se jucher en hauteur est un atout majeur face aux prédateurs. Même les oiseaux les plus « terrestres », comme le Grand Tétras ou le Faisan de Colchide, sont capables d’atteindre des branches pour s’y reposer. Les passereaux utilisent la végétation dense : au crépuscule, ils se cachent dans de gros buissons ou haies afin de passer la nuit en sécurité. Une végétation dense permet également aux oiseaux de se protéger des intempéries.
Et quand il n’y a pas de végétation suffisamment haute ? Les oiseaux vont dormir au sol, en se dissimulant au mieux. Certains, comme le Lagopède alpin, peuvent faire confiance en leur camouflage ! Cet oiseau de la famille des faisans présente un plumage entièrement blanc, ce qui lui permet de se confondre avec la neige. De même, les oiseaux des steppes ou des déserts dorment également au sol.
D’autres ne se donnent pas la peine de chercher un endroit : ils dorment en vol ! Les Martinets sont ainsi capables de cet exploit. Avant d’entamer leur nuit, ils se rassemblent en de grands groupes à 2000m d’altitude. Ils montent en altitude en battant des ailes pendant plusieurs secondes pour ensuite « s’endormir » quelques secondes, redescendant alors en planant.
Tout seul ou à plusieurs ?
Les oiseaux ont tendance à rechercher la compagnie de leurs congénères, de la même espèce ou non, pour se reposer. L’avantage : une meilleure surveillance face aux prédateurs. Des oiseaux qui sont naturellement territoriaux en période de reproduction vont ainsi chercher à se regrouper une fois cette période terminée. Étourneaux, hirondelles, fringillidés se retrouvent ainsi en dortoirs. Les manœuvres des étourneaux se rassemblant au crépuscule sont fascinantes!
Si les oiseaux se rassemblent en dortoirs, cela n’est pas uniquement pour des raisons de sécurité. Le dortoir est également un lieu d’échange et de communication, notamment sur de potentiels sources de nourriture disponibles.
Les prédateurs comme les rapaces ont tendance à dormir seuls, hors période de reproduction. Ils se perchent sur des branches mais ne forment pas de dortoir. Les chouettes aiment se dissimuler dans la végétation des arbres pour dormir durant la journée, voire s’installer dans des trous de troncs d’arbres.
Posture et adaptation anatomique
Les oiseaux adoptent une posture pour se détendre et se reposer : le plus souvent, une fois perchés sur une branche, ils tournent la tête et pose le bec entre les plumes des épaules. Une adaptation anatomique étonnante leur permet de ne pas tomber: les tendons des muscles fléchisseurs des doigts permettent une sorte de « fermeture automatique » sur la branche. Même par vent violent, l’oiseau ne peut tomber tant qu’il n’a pas actionné ses pattes pour « débloquer » les tendons ! Ce qui peut donner lieu à des situations plutôt rigolotes :
Les hérons, dont on avait vu dans l’article A table! Les oiseaux et la nourriture – Partie 2 qu’ils avaient des mouvements latéraux du cou limités par l’adaptation de leurs vertèbres cervicales pour la pêche, cachent leur bec sous la courbure de l’aile.
Cigognes, outardes et engoulevents dorment la tête entre les épaules, le menton appuyé sur le cou. Les grues, les flamants et les canards peuvent dormir sur une patte ! Question originalité, difficile de faire mieux que les Coryllis, de petits perroquets asiatiques. Ils sont en effet capables de dormir…la tête vers le bas, accrochés par les pattes ! Leur nom anglais est d’ailleurs « Hanging Parrot » ou « perroquet suspendu » !
Gros ou petits dormeurs ?
Si les oiseaux donnent parfois l’impression de dormir profondément, il n’en est rien. Ils sont toujours sur le qui-vive et restent en mode « veille ». Il n’est pas question pour eux d’une grande nuit de 8h de sommeil continu ! Les oiseaux ont ce que l’on appelle un sommeil vigilant ou « sommeil hémisphérique unilatéral » : une moitié de leur cerveau est endormie alors que l’autre veille. Ainsi, ils peuvent réagir très rapidement au moindre danger.
Dans les grands groupes d’oiseaux, ceux situés à la périphérie vont privilégier ce mode de sommeil alors que ceux situés au centre du groupe, plus à l’abri, vont pouvoir se permettre un sommeil plus complet.
Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest et LinkedIn.
Sources et recommandations :
- Le Royaume des oiseaux, Zdenek Veselovsky, Ed. Gründ
- « La plus grosse des idées fausses sur les oiseaux: ils ne dorment pas dans leur nid« , Nicholas Lund, Slate, 18.02.2014
- Histoires remarquables, les oiseaux, Guilhem Lesaffre et François Desbordes, Ed. Delachaux & Niestlé
- Crédits photographiques (dans l’ordre d’utilisation) : S N Pattenden, Chris Linnett, Albert Stoynov, Tyler Butler
- Image à la Une: Quentin Dr