Alors ça y est, nous y sommes, le déconfinement est arrivé ! Nous allons pouvoir de nouveau circuler sans restrictions. Et si cela est une bonne nouvelle pour nous, Homo sapiens, nous allons voir que cela n’est pas le cas pour les autres espèces…
Une mesure sans précédent
La crise sanitaire que nous vivons actuellement est inédite dans son ampleur et dans les réponses qui y sont apportées. Confiner une grande partie de la population du pays à son domicile, en ne limitant ses déplacements qu’au strict nécessaire, aurions-nous pu l’imaginer il y a encore quelques mois ? Se souvient-on d’une période récente où, durant deux mois, la biodiversité a pu s’épanouir en l’absence d’activités humaines ? Et si nombre d’entre nous se sont émerveillés de pouvoir entendre les chants d’oiseaux, les animaux se sont bien rendus compte, eux aussi, du calme nouveau de leur lieu de vie.
La nature reprend ses droits…Vraiment ?
Vous avez très probablement lu ou entendu à de nombreuses reprises dans les médias qu’à l’occasion de ce confinement, la nature reprenait ses « droits ». Ainsi, une famille de renards a été observée au cimetière du Père Lachaise*. Un chevreuil s’est offert une petite balade à la plage. Un autre s’est baigné au Cap-Ferret. Il a été possible pour quelques chanceux de faire des rencontres étonnantes, comme ces observations de requins pèlerin et de requin peau bleue. A l’étranger, des sangliers se sont réappropriés les villes. Des dauphins se sont aventurés dans le port de Cagliari. Les eaux limpides de Venise ont permis d’observer la faune qui l’habitent. Beaucoup de citadins ont remarqué que le chant des oiseaux se faisait désormais de plus en plus présent dans le paysage sonore. Mais pour autant, peut-on réellement dire que la « nature reprend ses droits » ?
Sous couvert de titres un peu ronflants, ces articles sont parfaits pour attirer le chaland. Mais si l’on désire rester rigoureux, on ne peut dire que « la nature reprend ses droits ». Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une formule un peu fourre-tout qui ne veut pas dire grand-chose. Quelle « nature » ? Les quelques espèces citées plus haut en exemple ne sauraient représenter l’ensemble du règne animal. Quels « droits » ? Depuis quand l’installation d’une espèce dans un milieu représente un droit que nous lui arrogeons ? Il s’agit ni plus ni moins d’un comportement naturel d’une espèce. En l’absence d’une espèce d’ordinaire particulièrement présente, il est tout à fait normal que d’autres animaux viennent explorer le milieu. Les objectifs peuvent être variés. Ils recherchent une nouvelle ressource alimentaire ou un partenaire. Les individus non reproducteurs peuvent explorer de nouveaux territoires. Ainsi, l’absence de fréquentation des rues, des parcs et des jardins, la diminution des trafics, l’absence de pollution atmosphérique et sonore sont autant de facteurs qui favorisent les observations de nouveaux comportements. Par ailleurs, au-delà des célébrités qu’il accueille, le cimetière du Père Lachaise est également connu pour la richesse de sa biodiversité !
A cela il convient également d’ajouter un paramètre d’une importance capitale : la pression d’observation. Plus de temps chez soi, c’est plus de temps pour observer la nature autour de soi (et c’est une excellente chose !). Cela augmente la probabilité de constater des comportements auxquels on ne fait pas attention en temps normal. Certes, durant cette période de confinement, les oiseaux ont eu l’opportunité de chanter sans que leurs mélodies ne soient couvertes par les bruits d’origine anthropique. Mais vous avez également plus d’occasions de les écouter et de vous y intéresser !
Bien qu’il y ait eu des observations assez remarquables, il faut toujours garder à l’esprit que la faune vit avec nous (en tout cas, tente de le faire !), toute l’année. Le confinement lui a simplement donné l’opportunité de développer d’autres comportements naturels. Et d’une certaine manière, le déconfinement tombe assez mal pour toutes ces espèces…
Un mauvais timing
Durant notre temps de « pause » forcé, les animaux ont poursuivi leur cycle de vie. Et qui dit « printemps » dit recherche du partenaire, construction du nid pour les oiseaux, accouplements, ponte ou mise-bas puis élevage des jeunes…Et alors qu’à partir du 11 mai, nous allons retrouver nos habitudes, les animaux, quant à eux, en ont peut-être pris de nouvelles !
Les sentiers si calmes où ils se sont installés risquent d’être pris d’assaut par des promeneurs en mal de balades. Les oiseaux ont eu l’opportunité de faire leurs nids dans des endroits peu fréquentés, sans savoir qu’ils pourraient être dérangés à l’avenir. En bref, la probabilité de rencontrer et déranger un animal sauvage sera forte lors de ce déconfinement !
Durant cette période si sensible pour la faune, il sera alors capital d’adopter un comportement responsable.
- En promenade, soyez attentif à ce qui vous entoure. Gardez à l’esprit que des animaux peuvent s’être installés sur ces territoires disponibles.
- Restez toujours sur les sentiers balisés.
- Si possible, gardez votre chien en laisse, en particulier à la plage : les limicoles sont actuellement en pleine nidification et pondent à même le sol.
- En forêt, vous pouvez croiser de jeunes chouettes au sol : si elles ne semblent pas blessées, ne les ramassez pas. Il s’agit de juvéniles en pleine émancipation, les adultes continuent de veiller sur eux et de les nourrir.
- Si vous trouvez un faon, ne le touchez surtout pas : l’adulte est probablement juste à quelques mètres, attendant que vous vous éloigniez. En le touchant, vous apposez votre odeur sur le faon, ils sera très probablement rejeté par la mère.
- Ne vous approchez pas des nids ! Cela peut être tentant d’observer les œufs ou les jeunes mais par ce comportement, vous stressez inutilement adultes et jeunes.
Comme vous l’aurez compris, ce déconfinement sera un facteur majeur de dérangement pour la biodiversité. Il est de notre responsabilité d’adopter le comportement qu’il convient afin de nous ra-approprier tout en douceur le milieu que nous avons déserté durant plusieurs semaines.
Et ne perdez pas les bonnes habitudes que vous avez prises durant ces deux mois ! Continuez à vous intéresser à la vie sauvage autour de vous avec ces quelques idées (clic-clic sur la vignette) :
*Chaque année, entre 600 000 et un million de renards sont chassés en France, sans quota, par battues administratives, tir de nuit, piégeage, déterrage…Pourtant, selon une une étude publiée le 19 juillet 2017 sur le site de The Royal Society, les renards seraient bénéfiques pour lutter contre les infections véhiculées par les tiques telle que la maladie de Lyme, transmise par la bactérie Borrelia.
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Sources et recommandations :
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Image à la Une: Riley Welch