Cette semaine, on s’intéresse sur le Bird-Blog à une thématique d’actualité avec les beaux jours qui reviennent : le dérangement des oiseaux nicheurs sur les plages.
Le dérangement, une menace pour les oiseaux
Par nos activités quotidiennes, nous impactons fortement les milieux et la biodiversité qu’ils hébergent. Cela peut être par une pratique sportive, une activité touristique ou de loisir mais également des pratiques professionnelles : agriculture, activité forestière, pêche en mer…Ces dérangements sont perturbants pour les espèces et peuvent impacter la bonne santé de leurs populations.
On distingue deux phases dans le phénomène de dérangement :
– l’effet du dérangement à l’instant où celui-ci se produit. Il s’agit de la réaction immédiate de l’animal dérangé.
– l’impact du dérangement, c’est-à-dire sa conséquence sur l’animal perturbé dans le temps. Cet impact sera maximal si le dérangement est répété à de nombreuses reprises. Chez les oiseaux par exemple, on connait très bien les impacts du dérangement provoqué par la chasse sur les oiseaux d’eau, ce phénomène ayant été largement étudié. On sait que cette pratique est à l’origine de nombreux troubles : reproduction perturbée, croissance des poussins plus faible ayant pour conséquence une plus grande vulnérabilité aux maladies et aux prédateurs, abandon des sites de reproduction…Les impacts du dérangement ne sont pas seulement comportementaux, ils sont également physiologiques. Ainsi, le stress peut augmenter, l’accumulation de réserves énergétiques est moins efficace, l’oiseau consacre moins de temps à sa toilette ou au chant…
Nous l’avions vu dans l’article sur le Grand Tétras, les effets du dérangement provoqué par les activités touristiques sont dévastateurs pour cette espèce sensible, pouvant être à l’origine de comportements anormaux chez les adultes.
Un oiseau nicheur sur la plage : le Gravelot à collier interrompu
Si nous évoquons la question du dérangement, c’est pour mettre la lumière sur une espèce qui y est particulièrement sensible. Le Gravelot à collier interrompu (en plus d’avoir un nom à rallonge…) débute actuellement sa nidification.
Ce petit limicole (entre 40 et 60g seulement!), oiseau spécialiste de l’exploitation des vasières, visite notre littoral uniquement en période de reproduction. Oiseau migrateur, il arrive des côtes africaines entre mars et avril. Actuellement, les couples se forment et recherchent le site de nidification idéal. La femelle va y pondre ses œufs, généralement au nombre de trois, à même le sol. Afin d’échapper à la vue de prédateurs potentiels, les œufs présentent une couleur et des motifs permettant de les confondre avec le substrat.
Les adultes les couveront durant un moins puis s’occuperont des poussins nidifuges pendant encore un mois environ, le temps qu’ils prennent leur envol. En attendant cette indépendance, ne pouvant voler, les petits, fragiles, sont à la merci du moindre prédateur. A la moindre alerte, ils courront aussi vite que leur permettent leurs petites pattes pour se cacher dans la végétation du haut de plage. Une pratique efficace mais coûteuse en énergie.
Afin d’éloigner le danger de ses petits, l’adulte peut adopter un comportement caractéristique. Il feint d’être blessé, laissant trainer une aile sur le sol, et marche dans la direction opposée du lieu de son nid. Ainsi, il souhaite faire croire au prédateur (ou à la source du dérangement) qu’étant blessé, il est plus vulnérable. Comme on le voit sur la photo ci-dessous, il protège ses petits en attirant le danger vers lui.
Pourquoi mettre l’accent sur la préservation du Gravelot à collier interrompu ? Car cette espèce très sensible au dérangement est un nicheur rare en France, environ 1500 couples essaient chaque année de mener leur nidification à terme. Les populations sont majoritairement en déclin en Europe. Les deux principales causes de ce déclin : l’aménagement du littoral et…le dérangement.
Conseils pratiques
Lorsque vous vous promenez sur la plage, l’idée principale à garder en tête est que nous n’y êtes pas seuls. Même si ce milieu apparait comme plutôt pauvre en biodiversité, c’est loin d’être le cas ! Nombre d’espèces animales et végétales s’y épanouissent. Elles ont chacune développé des stratégies originales pour survivre. Quelque soit l’activité que vous souhaitez pratiquer sur une plage, elle doit se faire en harmonie avec le milieu et ses habitants.
Voici quelques conseils pratiques pour profiter de votre sortie à la plage en adoptant un comportement responsable :
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Assurez-vous d’avoir pris connaissance du règlement du site. Certaines autorisent les chiens en liberté, d’autres non. Des zones spécifiques peuvent être délimitées pour la pratique du char à voile ou du kite-surf. Le cerf-volant peut être interdit.
- Si le règlement autorise les chiens en liberté, assurez-vous que votre chien a un excellent rappel. Sur le littoral, prenez en compte le facteur « vent » : votre chien pourrait moins bien vous entendre, le rappel sera moins efficace (sans compter le phénomène « d’ouïe sélective » qui touche bon nombre de chiens…). Ne laissez pas votre chien partir sur de longues distances, c’est à vous d’anticiper un rappel d’urgence.
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Avec ou sans chien, évitez absolument le haut de plage et sa végétation en période de reproduction (printemps et été). Une fois dérangé, le couple peut ne pas revenir s’occuper des petits, alors livrés à eux-mêmes. De même, il est plus que probable qu’il ne revienne pas sur ce site pour une potentielle ponte de remplacement si la première est détruite. Restez toujours en bas de plage, à la limite de l’eau, durant cette période.
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Si vous apercevez un petit limicole qui semble blessé, peu farouche, tournant en laissant traîner une aile, éloignez-vous très rapidement. S’il reprend une attitude normale après votre départ, il s’agissait d’un adulte cherchant à vous éloigner de son nid ou de ses petits.
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A partir de l’automne et durant l’hiver, à l’inverse, ne suivez pas le bas de plage où s’installent nombre de laridés en reposoirs. Un envol leur serait très coûteux en énergie, à un moment de l’année où les ressources alimentaires peuvent être limitées. De plus, les conditions météorologiques rigoureuses mobilisent beaucoup de leur énergie.
Profiter de la plage en ayant une attitude responsable envers les espèces qui y vivent est essentiel pour leur survie.
Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest et LinkedIn.
Sources et recommandations :
- Sources web : www.oiseaux.net
- Crédit photos (dans l’ordre d’utilisation) : cknara, Changhua Coast Conservation Action (VisualHunt)
- Image à la Une : quelea1945 on Visualhunt.com