Dans un article précédent, nous avions évoqué les différents types de nids des oiseaux. Nous avions vu qu’il existait une grande variabilité dans les formes de nids, principalement en fonction du mode de vie de l’oiseau. Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à la suite logique : les œufs.
La ponte et la couvaison des œufs
Une fois le nid construit, la femelle va s’atteler à une tâche des plus importantes : la ponte. Ce terme indique l’ensemble des œufs couvés en une seule fois. La taille de cette ponte est très variable en fonction des espèces. Par exemple, les vautours n’en pondent souvent qu’un seul.
Si, exceptionnellement, la ponte comporte deux œufs, le plus faiblard des deux servira de nourriture au plus costaud. À l’inverse, la Mésange bleue peut aller jusqu’à une dizaine d’œufs. De même, le nombre de pontes dans une saison de reproduction est variable : le Circaète ne fait qu’une ponte, le Moineau en a facilement deux voire trois.
Pourquoi de tels écarts ? Ils correspondent à différents modes de vie ou plutôt à différentes stratégies. Pour survivre et réussir leur mission première, à savoir se reproduire et ainsi perpétuer leur espèce, les oiseaux, comme tous les êtres vivants, ont chacun la leur. Vivre longtemps ou peu de temps, de grandes pontes ou de petites, une maturité sexuelle tardive ou au contraire précoce…Tous ces éléments composent ce que l’on appelle leur stratégie adaptative. La ponte des œufs se fait à plusieurs heures d’intervalle, généralement 24h, parfois un peu plus chez certaines espèces (3 à 5 jours chez le Gypaète barbu).
Qu’est-ce qu’un œuf ?
Reprenons quelques éléments de base de biologie pour bien comprendre ce qu’est un œuf et de quoi il est composé. Tous les œufs sont constitués des mêmes éléments. Leur taille, leur forme et leurs couleurs sont des paramètres en revanche extrêmement variables. L’œuf en lui-même est constitué des éléments suivants :
- Le jaune, aussi appelé « vitellus ». Il s’agit d’une réserve d’énergie pour l’embryon. Il est présent dans des proportions différentes en fonction des espèces. Ainsi, il représente environ 15% des œufs des cormorans et jusqu’à 50% chez les canards. Cela s’explique par le mode de vie des oiseaux. Chez les espèces aux poussins « nidifuges », c’est-à-dire qui quittent le nid très rapidement après l’éclosion, la part de vitellus est plus importante car ils ont besoin d’une source d’énergie importante utilisable rapidement avant de s’élancer vers l’autonomie. Chez les poussins dits « nidicoles », comme les passereaux, la part de cette source d’énergie peut être moins importante car les parents vont mener au nid de quoi nourrir leurs petits.
- Le blanc de l’œuf ou « albumen« . Cette matière visqueuse n’est pas homogène, elle est en réalité composée de trois couches successives : l’albumen liquide externe, l’albumen épais et l’albumen liquide interne. Sa texture permet d’amortir les chocs. Dans l’axe vertical de l’œuf, le blanc forme des chalazes, cordons spiralés qui maintiennent le vitellus en suspension dans l’albumen. L’albumen joue donc un rôle essentiel dans la protection mécanique de l’embryon.
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La coquille. Elle a pour principale fonction de protéger l’embryon. Elle est constitué de trois couches différentes qui permettent les échanges gazeux entre l’extérieur et l’intérieur de l’œuf. La coquille est plus épaisse à la pointe des œufs: en cas de chute, c’est cette partie qui toucherait le sol en premier. L’autre extrémité est plus fine car c’est par là que le poussin perce la coquille pour s’extraire de l’œuf. L’épaisseur de la coquille varie dans le temps : au fur et à mesure de son développement, l’embryon y puise le calcium dont il a besoin. Devenue plus fine, il sera ensuite plus facile pour le poussin de la briser lors de l’éclosion.
Différentes tailles, formes et couleurs d’œufs
La taille de l’œuf en lui-même dépend de l’espèce. Elle est généralement proportionnelle à la taille de l’oiseau. Toutefois, les œufs des petites espèces peuvent être plus volumineux. Ainsi, l’œuf de Rouge-gorge correspond à 14% du poids de l’adulte alors qu’il n’est que de 3,5% chez le Cygne.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la forme de l’œuf est également variable. La forme-type, la plus représentée, est ovoïde. Mais ceux des rapaces nocturnes ou du Martin-pêcheur sont plus ronds qu’ovales ! Les limicoles pondent des œufs en forme de poire, que l’on dit piriforme. Ainsi, lorsqu’ils sont dans le nid, disposés en cercle, le bout allongé vers l’intérieur, ils bénéficient d’un maximum de chaleur de la part de la femelle qui les couve en optimisant la place occupée. Les oiseaux marins qui nichent sur des corniches escarpées, comme le Guillemot de Troïl, pondent des œufs d’une forme similaire: si l’œuf échappe à la vigilance d’un adulte, cette forme piriforme l’empêche de rouler en ligne droite vers le vide.
La diversité de la couleur des œufs selon les espèces est plutôt incroyable. Elle peut même varier légèrement entre œufs de la même couvée ! Cette coloration apparaît quelques heures après la ponte. Si certains vont présenter une couleur uniforme, d’autres vont être couverts de motifs, avec des marbrures ou des tâches très diverses. La coloration est bien souvent en rapport avec le nid où ils ont été déposés.
La couleur des œufs est généralement due à des pigments présents dans la zone superficielle de la coquille. Le contrôle de la couleur ainsi que la distribution des pigments sont des paramètres codés génétiquement. Même si l’on peut observer une variabilité entre oiseaux d’une même espèce, ils sont bien souvent facilement identifiables par un œil averti (tels les œufs bleu turquoise du Merle noir ou les œufs couleur rouge brique de la Bouscarle de Cetti).
La génétique n’est pas la seule à jouer un rôle dans la coloration des œufs, le milieu est un paramètre à prendre en compte. Ainsi, les œufs du Grèbe sont blancs lors de la ponte mais deviennent brun-vert au contact de la végétation composant le nid. De même, les oiseaux qui nichent dans des cavités pondent généralement des œufs blancs : les prédateurs ne pouvant les voir, un camouflage n’est pas nécessaire. Ce n’est toutefois pas une règle : des oiseaux comme les cormorans ou les pélicans pondent également des œufs de couleur blanche alors qu’elles nichent au grand jour, sous les yeux de prédateurs potentiels. Les œufs des oiseaux nichant au sol comme le Gravelot présentent une coloration en accord avec l’environnement afin de ne pas se faire repérer.
La couvaison
Pendant toute la période d’incubation, équivalent de la gestation chez les Mammifères, l’œuf a absolument besoin de chaleur. C’est généralement la femelle qui se charge de couver les petits, bien que de nombreuses exceptions existent. Durant cette période, sous l’influence d’hormones, la femelle perd des plumes (du duvet) sur une zone de son ventre. Cela forme ce que l’on appelle une « plaque incubatrice » : lorsqu’elle s’installe dans le nid, cette zone de peau est directement en contact avec les œufs. Richement vascularisée, elle transmettra ainsi un maximum de chaleur. Les canards quant à eux ne connaissent pas cette perte de duvet. Qu’importe, la femelle va alors se l’arracher et en tapisser le nid afin d’assurer un maximum de chaleur et de confort pour ses œufs.
D’autres oiseaux comme les Manchots ne transmettent pas la chaleur via une plaque incubatrice (hors de question de perdre des plumes étant donné les températures extrêmes du milieu dans lequel ils se reproduisent !) mais grâce à la palmure de leurs pattes.
Deux groupes d’oiseaux ne couvent pas leurs œufs : les Coucous, qui confient cette tâche à d’autres espèces d’oiseaux, et les mégapodes, oiseaux de l’écozone australasienne qui recouvrent leurs œufs d’un amas de matière végétale, voire de cendres volcaniques. La fermentation de ces monticules assure la chaleur nécessaire à l’incubation des œufs. Etant donné qu’aucun des deux adultes n’a à couver, la coquille des mégapodes est particulièrement fine. Les petits se serviront de leurs griffes puissantes pour la briser.
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Sources et recommandations :
- « Nids et oeufs« , M. Dupérat, Editions Artémis
- « La vie des oiseaux« , L. Couzi et L. Lachaud, Editions SudOuest
- Crédits photo (dans l’ordre d’utilisation) : Abbey Alabi, Geri Chapple, Free Public Domain Illustrations by rawpixel, blumenbiene, US Fish and Wildlife Service – Recovery Act Team, Grahamston1
- Photo : Anna Sjöblom