Il n’y a pas besoin de parcourir le monde pour observer des espèces d’oiseaux rares, notre pays en abrite de nombreuses ! Mais comme leur nom le sous-entend, il n’est pas simple de les apercevoir car leurs populations ne sont pas en bonne santé et malgré les efforts de conservation, elles restent menacées.
Le Vautour moine
Si le Vautour moine est difficile à observer, c’est davantage pour la faiblesse de ses effectifs que par sa taille. En effet, avec une envergure proche des 3m, il est difficile de le rater en vol ! Il s’agit de l’un des plus grands rapaces diurnes d’Europe. Sa (très) large silhouette est aisément reconnaissable et le différencie du bien connu Vautour faune : ses ailes sont larges et rectangulaires et la queue est courte. Le plumage de son corps est sombre, le bec est fort, puissant, gris-bleu à la base et terminé de noir.
En Europe, on rencontre le Vautour moine sur le pourtour nord-méditerranéen : du Portugal jusqu’en Grèce et en Turquie. En terme d’habitats, il montre une nette préférence pour les zones de collines et de moyennes montagnes semi-boisées. Différence notable avec les trois autres espèces de vautours français : il est arboricole. Il niche régulièrement dans les forêts de pente, installant son nid sur une grosse branche de conifère, souvent un pin sylvestre âgé.
Si le Vautour moine nichait autrefois dans les Pyrénées, le Massif central ainsi qu’en Provence, la perte de ses habitats favorables par des déboisements successifs, l’évolution du modèle agricole, les empoisonnements et autres destructions volontaires ont eu raison d’une large partie de ses effectifs. Aujourd’hui, sa présence en France est concentrée dans trois massifs où l’espèce a été réintroduite précédemment : les Grands Causses, les Baronnies et le Verdon.
Il aura fallu pas moins de trois programmes pour restaurer des populations viables de vautours moine. Mais si la population française est aujourd’hui en lente croissance, sa situation reste précaire. Aussi, afin de consolider le rétablissement de la population, un nouveau plan national d’actions couvrant la période 2021-2030 a été engagé. L’enjeu majeur est désormais de réduire les risques de mortalité (l’électrocution et la collision avec des câbles électriques est le premier facteur de mortalité de cet oiseau à la large surface alaire) et d’améliorer le nombre de jeunes à l’envol en limitant les facteurs de dérangements.
Pour en savoir plus sur le travail engagé notamment par la LPO sur la conservation du Vautour moine, cliquez sur la photo ci-dessous :
La Glaréole à collier
En voilà un drôle d’oiseau au drôle de nom ! La Glaréole est aujourd’hui mal connue alors qu’il s’agissait d’un oiseau nicheur en France au début du XXe siècle. Elle fait partie de l’Ordre des limicoles, qui rassemble les oiseaux de rivage tel que le Courlis cendré, dont nous parlerons juste après. Son élégante silhouette, ses longues ailes pointues et sa queue échancrée font penser à une sterne. Le trait noir passant par l’œil est caractéristique, de même que son bec noir, dont la base de la mandibule inférieure est de couleur rouge.
La Glaréole à collier est un limicole certes mais ne fouille pas pour autant la vase à la recherche de nourriture, comme le font ses « cousins ». Elle se nourrit d’insectes, qu’elle capture plus souvent en vol.
En matière d’habitats, la Glaréole à collier fréquente les marais ou les zones à proximité de plans d’eau. Toutefois, elle n’est pas entièrement dépendante des milieux humides et peut peupler s’installer au niveau de friches, des steppes et des cultures.
Si la Glaréole à collier comptait parmi nos oiseaux nicheurs, en Camargue et dans le Gard, jusqu’au début du siècle dernier, sa population a ensuite fortement décliné en raison de la modification de ses habitats à des fins cynégétiques, du développement de la riziculture et des perturbations des colonies de reproduction. En 1997, on ne comptait plus que 6 couples reproducteurs…Le travail de conservation entamé par certains acteurs tels que l’institut de recherche de la Tour du Valat ont permis d’enrayer une disparition annoncée de l’espèce. Si la population nicheuse française est toujours de taille extrêmement réduite, elle se situe aujourd’hui à moins de 150 couples, essentiellement en Camargue.
Pour en savoir plus sur le suivi des Glaréoles à collier en Camargue, cliquez sur l’illustration ci-dessous :
Le Courlis cendré
Un autre oiseau rare, une autre allure tout à fait caractéristique : le Courlis cendré ! Représentant de la famille des limicoles, le Courlis cendré est le plus grand d’entre eux. Jugez plutôt : plus de 50 cm de long, 1m d’envergure environ et un poids pouvant dépasser le kilo ! Son bec extraordinairement long et recourbé lui a valu son nom d’espèce : « arquata« . C’est un outil indispensable au courlis pour lui permettre de sonder la vase et de dénicher les précieux vers dont il se nourrit.
Les populations nicheuses de courlis cendré se portent mal dans bien des pays de son aire de répartition et la France ne fait pas exception. Elle compte entre 1000 et 2000 couples nicheurs, avec une tendance récente à la baisse. En cause : la disparition de ses habitats favorables à cause de l’assèchement des prairies humides et la modification des landes dans lesquelles il se plaît à installer son nid. Bonne nouvelle en revanche du côté de la population hivernante qui semble stable.
Si les effectifs de la population nicheuse en France sont peu précis, c’est en raison des lacunes importantes des connaissances sur sa démographie et sa répartition spatiale. Et si l’avenir du Courlis cendré reste sombre, c’est en raison d’une menace qui pèse sur lui : qu’il devienne une espèce chassable. Chaque année, les associations de protection de la nature doivent batailler devant les tribunaux afin que cette espèce (et d’autres) en mauvais état de conservation ne soit pas chassé.
Alors que les arrêtés d’interdiction sont loin d’être respectés sur le terrain (le 6 août 2022, trois Courlis cendrés équipés de balises GPS dont deux par les Allemands et un par les Belges ont été tués sur le domaine public maritime en Baies de Canche, de Seine et de Somme), on ne peut qu’être inquiet quand au devenir du Courlis cendré en France.
Le Grand Tétras
Le Grand Tétras, aussi appelé parfois Grand coq de bruyère, est le plus gros galliforme (communément appelé “gallinacé”) européen. Il appartient à cette famille qui comprend également les dindes, les poules, les faisans ou encore les cailles.
Si on connait 9 sous-espèces de Grand Tétras, seulement deux sont présentes en France : Tetrao urogallus major (Vosges et Jura) et Tetra urogallus aquitanicus (Pyrénées).
L’aire de répartition du Grand Tétras est vaste, on le retrouve aussi bien en Europe qu’en Asie, de l’Ecosse jusqu’en Sibérie jusqu’en Chine. Certaines populations sont isolées en Europe. Dans nos régions, il investit les forêts de conifères de montagnes alors qu’en Asie et en Scandinavie, on peut également le retrouver en plaine.
Les menaces sont nombreuses sur cet oiseau de montagne. La dégradation et la modification des habitats sont des facteurs majeurs de son déclin, comme pour de nombreuses espèces. Ainsi, la fermeture des milieux due à un pâturage moindre et l’intensification de la sylviculture perturbe les exigences écologiques du Grand Tétras.
L’implantation d’infrastructures afin de développer les domaines skiables fractionnent les habitats favorables. Le développement des activités touristiques en montagne entraîne de forts dérangements sur cette espèce sensible. Or, en hiver, le Grand Tétras ne peut se permettre de dépenser de l’énergie inutilement. Les conditions météorologiques le contraignent, comme d’autres espèces de montagne, à un rythme de vie plus “ralenti”. Tout dérangement met directement en péril la survie d’un oiseau. Le braconnage et la chasse dans certaines zones impactent également la densité des populations. Enfin, les conséquences du changement climatique influencent le succès de la reproduction.
Le Grand Tétras a fini par disparaître des Alpes françaises en 2000 et ses populations connaissent un déclin important dans les autres massifs (Cévennes, Jura, Vosges et Pyrénées). Depuis 30 ans, les effectifs régressent de façon continue. On estime qu’il reste environ 4500 individus en France, 90% se situant dans les Pyrénées. Pour tenter de contrer la diminution de ses populations, une stratégie nationale en faveur du Grand Tétras a été mise en place et est en cours depuis 2012 et ce, pour 10 ans.
Pour en savoir plus sur le Grand Tétras, retrouvez l’article « Focus sur…le Grand Tétras » qui lui ait consacré (clic-clic sur la vignette!) :
Le Cochevis de Thékla
Drôle d’oiseau que le Cochevis de Thékla ! Il ressemble beaucoup au Cochevis huppé, son cousin de la famille des alouettes à laquelle il appartient. Toutefois, son bec est court et assez épais, sa silhouette un peu plus compacte. Sa huppe est fournie, les stries sur sa poitrine sont nettes. Son identification est rendue délicate par les nombreuses sous-espèces connues dont la coloration varie en fonction du substrat de leur milieu de vie.
Le Cochevis de Thékla est présent sur la péninsule ibérique et dans toute l’Afrique du Nord. Pour le rencontrer, il faut parcourir les zones de garrigues plutôt arides et désertiques qu’il affectionne, dans la végétation maigre, les plantations de chênes verts ou d’oliviers ou les broussailles. Il est également possible de l’observer sur les pentes ensoleillées en altitude.
En France, la population occupe principalement le massif des Basses-Corbières, un ensemble remarquable de collines entre l’Aude et les Pyrénées-Orientales. La population française compte entre 350 et 400 couples. La disparition de certaines pratiques agro-pastorales locales, qui permettaient de maintenir les milieux favorables au Cochevis de Thékla, et l’urbanisation rendent cet oiseau particulièrement vulnérable.
Pour en savoir plus sur la famille des alouettes, cliquez sur la vignette ci-dessous pour y lire l’article qui lui ait consacré :
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Sources et recommandations :
- Crédits photos (dans l’ordre d’utilisation) : Photo by Kunze, Free pictures for conservation, gilgit2, talaakso, Ximo Galarza i Planes
- 100 oiseaux rares et menacés de France, Frédéric Jiguet, Ed. Delachaux et Niestlé
- Image à la Une: Frank.Vassen