Aujourd’hui, nous nous intéressons à des oiseaux rares de par leur statut de conservation et pourtant tous observables en France. Avec un peu de chance et beaucoup de patience…
Le Pingouin torda
Un pingouin observable en France ? Et oui ! Comme nous l’avions vu dans l’article « Si ce n’est toi…Ces oiseaux que l’on confond », la confusion entre manchot et pingouin est fréquente. La faute au terme anglais « penguins » qui désigne les manchots de l’hémisphère Sud.
Le Pingouin torda est un alcidé, une famille d’oiseaux qui compte dans ses rangs le bien connu Macareux moine. Les alcidés ont un corps trapu, la queue courte et les pattes implantés très en arrière. Ils ont des ailes fonctionnelles qui, en plus de leur permettre de voler, les aident à se propulser sous l’eau pour rechercher leur nourriture. Ils n’ont donc rien à voir avec les manchots, de la famille des Sphénicidés, qui sont inaptes au vol car totalement adaptés à une vie aquatique.
Le Pingouin torda, oiseau pélagique durant la plus grande partie de son cycle biologique, ne se rencontre donc que dans les eaux de l’hémisphère nord. Il niche sur des falaises littorales à l’abri de tout dérangement, où il pond un seul œuf. Le poussin rejoindra la mer à l’âge de 20 jours, et sera nourri par ses parents et terminera sa croissance.
En France ne subsiste qu’une population nicheuse relictuelle, en Bretagne. Entre 20 et 40 couples nichent sur trois sites : les Sept-Iles, le cap Fréhel et l‘île Cézembre. Pourquoi si peu de couples nicheurs ? Tout d’abord parce que la France est en limite méridionale de l’aire de répartition du Pingouin torda. La population bretonne comptait 500 couples dans les années 60. Les pollutions maritimes par hydrocarbures, l’utilisation de filets maillants par les pêcheurs dans lesquels les pingouins se noient pendant leurs actions de pêche…Le Pingouin torda est aujourd’hui l’oiseau marin le plus menacé en France.
Pour en savoir plus sur la famille du Pingouin torda, découvrez l’article « Une histoire d’Oiseaux : les Alcidés » (clic-clic sur la vignette ci-dessous) :
La Cigogne noire
Vous connaissez et observez peut-être régulièrement des Cigognes blanches. Mais connaissez-vous la Cigogne noire ? Elle ressemble énormément à sa cousine, elle est juste un petit peu plus petite et donc…noire, sur une grande majorité de son corps. Autre différence majeure : elle fuit la présence de l’homme ! Elle aime installer son nid en toute discrétion en forêt, en hauteur dans les arbres, dans des secteurs peu fréquentés. En Espagne et au Portugal, elle peut également s’installer au niveau de falaises.
La reproduction de cette espèce en France est très récente : les premiers nids ont été trouvés dans les années 90. On comptait en 2014 une soixantaine de couples de Cigognes noires sur notre territoire. Ce sont des oiseaux migrateurs. Elles reviennent chaque année du Sahel via le détroit de Gibraltar pour se reproduire dans les grandes forêts anciennes de l’est et du centre de la France. Elles sont soucieuses de la qualité des cours d’eau qui traversent leur territoire car ils assurent leur subsistance : poissons, amphibiens, mollusques et autres invertébrés aquatiques !
La dégradation des cours d’eau (pollutions, aménagements d’origine humaine…) est d’ailleurs l’une des menaces qui pèsent sur cette espèce. Elle est également très sensible au dérangement, qui peut conduire à l’abandon du nid.
Pour en savoir plus sur le travail réalisé par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) et l’Office National des Forêts concernant la Cigogne noire en France, allez surfer sur le site dédié !
Le Pygargue à queue blanche
Les Pygargues sont des aigles particulièrement massifs et impressionnants. Ils font partie de la famille des Accipitridés (Pour refaire un point sur la classification des rapaces : « Une histoire d’Oiseaux : les Rapaces ») et ont la particularité d’être des aigles pêcheurs. Le Pygargue à tête blanche, emblème des Etats-Unis, est très certainement le pygargue le plus connu de cette famille.
Le Pygargue à queue blanche présente un bec jaune très fort, une queue courte cunéiforme blanche et une envergure d’un peu plus de 2m: c’est un rapace qui ne passe pas inaperçu ! En terme d’habitats, il se plait non loin des milieux aquatiques (côtes maritimes, grands lacs…) où il peut se nourrir de canards, foulques et ragondins. Même morts.
Cet aigle impressionnant a une aire de répartition très large, du Groenland au Japon. En Europe, il est surtout présent surtout en Scandinavie. Ces oiseaux passent l’hiver plus au sud de l’Europe. C’est ainsi que le Pygargue à queue blanche visite notre pays, principalement sur les lacs du Der et de la forêt d’Orient. Il nichait autrefois en Corse: on comptait encore 6 couples en 1930. Le dernier cas de reproduction en France date de 1956, date aux alentours de laquelle on a commencé à observer des pygargues hivernants. Depuis 30 ans, entre 5 et 10 individus viennent passer l’hiver en France. Avec le changement climatique, ces migrateurs devraient être tentés de rester plus au nord, d’autant plus qu’il est encore nicheur en Allemagne.
Pour en savoir plus sur cet étonnant rapace menacé, découvrez le numéro de la Série de l’hiver qui lui était consacré (clic-clic sur la vignette ci-dessous !)
La Spatule blanche
Incroyable adaptation que le bec de la Spatule blanche ! Ce bec noir à la forme si reconnaissable lui permet de capturer les invertébrés microscopiques en balayant l’eau horizontalement. La Spatule peut également manger des proies plus grandes : petits poissons, vers et petits crustacés.
Cet oiseau grégaire affectionne les grandes zones humides, qu’elles soient sur le littoral ou plus à l’intérieur. Il lui faut en effet pour se nourrir de grandes étendues d’eau libre peu profondes. Elle niche en colonie, dans un arbuste ou dans les roselières.
La Spatule blanche est un oiseau nicheur en France : sa population nicheuse compte environ un peu plus de 450 couples. On peut les observer en Camargue, en Picardie, au niveau de l’estuaire de la Loire et en Charente-Maritime.
La Spatule est un oiseau migrateur, qui passe l’hiver en Afrique de l’Ouest. On estime néanmoins à 500 le nombre de Spatules passant l’hiver en France.
Si la population nicheuse française connait une belle expansion, elle reste toutefois petite et fragile. Les principales menaces qui pèsent sur cette espèce sont la dégradation de leurs habitats et les dérangements humains. Le fait que la présence des Spatules, en période de reproduction et en hivernage, soit concentrée sur quelques sites en France rend encore plus nécessaire la protection de ces milieux.
La Talève sultane
Imaginez une grosse Gallinule poule-d’eau avec un plumage bleu foncé et un gros bec et une plaque frontale rouges qui avance prudemment dans les roselières grâce à de longues pattes aux doigts très effilés : voici la drôle de Talève sultane !
On peut l’observer dans le sud-ouest de l’Europe ainsi qu’en Afrique du Nord. En France, elle est nicheuse sur le pourtour méditerranéen, depuis le Roussillon jusqu’en Camargue.
La Talève sultane a connu une forte régression en Espagne: un programme de conservation a permis de renforcer les populations de cet oiseau. Ainsi, la Talève a pu coloniser progressivement de nouveaux territoires et a passé la frontière franco-espagnole.
A la fin des années 2000, la population française de Talève sultane comptait 120 couples, localisés dans les Pyrénées-Orientales, l’Aude et la Camargue. Cette population reste fragile du fait de la dégradation des marais côtiers qu’elle affectionne et des dérangements auxquels elle est sensible.
Lorsque l’on dit « un oiseau rare », il ne faut pas toujours imaginer une espèce exotique, vivant dans un pays lointain et menacé par de dangereux braconniers. Bien que cette situation existe malheureusement, notre pays, qui compte une avifaune absolument fantastique dans sa diversité, est le territoire d’espèces rares et menacées. Leurs populations sont très fragiles et leur évolution reste dépendante de l’importance que nous accordons aux menaces qui pèsent sur eux. La dégradation des habitats, la pollution des cours d’eau, le dérangement humain…Tous ces dangers sont susceptibles de faire basculer en quelques années le destin de ces espèces.
Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest et LinkedIn.
Sources et recommandations :
- 100 oiseaux rares et menacées de France, Frédéric Jiguet, Ed. Delachaux et Niestlé
- Crédits photos (dans l’ordre d’utilisation) : superdove ,The Wasp Factory, Corine Bliek.
- Image à la Une : Ray Hennessy