Aujourd’hui, on s’intéresse à quelques oiseaux vraiment rares. De l’Inde à la Nouvelle-Zélande en passant par la Russie, ces espèces ont des populations très fragiles et sont ou ont été au bord de l’extinction. Destruction de l’habitat, pollution, activités humaines…Les causes de leur déclin sont nombreuses. Mais pour ne pas se saper trop le moral, nous verrons également l’exemple d’un oiseau, sauvé de l’extinction par la détermination de quelques Sapiens sapiens.
Le manchot antipode
Maintenant que vous savez distinguer manchot et pingouin, intéressons-nous à un manchot peu connu : le manchot antipode, aussi appelé manchot à œil jaune.
Endémique de la Nouvelle-Zélande, ce manchot est assez étonnant par plusieurs aspects. Premièrement, il est beaucoup moins grégaire : il n’y a pas véritablement de « colonies », ils sont réunis au même endroit car ils utilisent le même site de nidification. Ensuite, il construit son nid dans la végétation épaisse, loin de ses congénères et parfois à plus d’un kilomètre du rivage. Enfin, ils sont sédentaires et casaniers. Lorsque les juvéniles sont autonomes, ils se lancent dans un voyage en mer à la fin de la période estivale. Ils finissent par revenir, au printemps d’après, sur leur lieu de naissance. Ils n’en bougeront plus et y resteront à l’année !
Le manchot antipode est considéré comme « En danger » selon l’IUCN, soit le 6ème statut de vulnérabilité sur une échelle qui en compte 9. Ainsi, on estime qu’il reste aujourd’hui environ 1.700 couples reproducteurs et que la taille des populations continuent de diminuer. En cause : l’introduction par l’homme d’espèces prédatrices, comme le furet, le rat, le chat et le chien, lorsque les colons se sont installés sur ces terres. Ceux-ci ont dans le même temps détruit les habitats de prédilection du manchot antipode, notamment en y installant des moutons. La pollution marine, la raréfaction d’espèces de poissons est également un facteur à prendre en compte.
Le Yellow-Eyed Penguin Trust travaille aujourd’hui à la conservation de cet oiseau. En plus de sensibiliser le public, cette institution se charge de restaurer des habitats favorables au manchot antipode et de réguler ses prédateurs. De même, la réserve Penguin place, en plus de favoriser des habitats, a mis en place un programme scientifique avec suivi individuel des oiseaux, mise en place de nichoirs et centre de soins.
Le Vautour chaugoun
Les vautours ont en Occident une bien mauvaise réputation.
« Franchement, je ne vois pas pourquoi. »
Ce n’est pas le cas en Inde où ils sont considérés avec une grande bienveillance et occupent une place importante dans la culture. C’est probablement cela qui a sauvé le Vautour chaugoun d’une extinction certaine. A la fin des années 80, la population de ce vautour est estimée à plusieurs millions d’individus. Oui oui, « millions ». Dix ans plus tard, les naturalistes observent les premiers signes d’un déclin. Des études sont menées sur le terrain pendant plusieurs années, le résultat est sans appel : entre 1993 et 2007, le nombre de vautours chaugoun a diminué en Asie du Sud de…99.9% ! Leur population était alors estimée entre 2.500 et moins de 10.000 individus ! Tout comme le Vautour chaugoun, les populations de Vautour indien et le Vautour à bec élancé étaient touchées dans les mêmes proportions.
Il faudra attendre les découvertes du Peregrine Fund pour comprendre la cause de cette extinction massive. La religion hindouiste, très pratiquée en Inde, ne permet pas de consommer de la viande bovine. Les carcasses issues de l’élevage laitier sont donc habituellement abandonnées aux vautours. Or, l’arrivée d’un anti-inflammatoire, le Diclofénac, pour soigner les vaches sera la cause de l’hécatombe des vautours. Consommé par l’intermédiaire des cadavres, il provoque chez les oiseaux une agonie terrible.
La cause identifiée, les autorités réagirent rapidement. Le Diclofénac fut banni de l’Inde et du Népal. Au-delà d’une mesure en faveur de l’oiseau, il faut y voir beaucoup de pragmatisme. N’ayant plus de vautours pour les débarrasser naturellement des cadavres, l’Inde a connu une grave prolifération de rats et de chiens errants porteurs de la rage. Des efforts importants de sensibilisation sur le Diclofenac et des programmes de conservations permettent, pour l’instant, de maintenir à flot les populations de vautours indiens.
Le Bécasseau spatule
Classé dans la famille des Limicoles par la classification internationale, le Bécasseau spatule est un oiseau migrateur nichant dans une zone très restreinte du nord-est de la Russie et hivernant dans les estuaires d’Asie du sud.
A voir absolument, cette courte vidéo du Cornell Lab Ornithology
S’il n’a jamais été commun, la population mondiale est estimée aujourd’hui…à moins de 400 individus. Le fait qu’il soit dépendant d’habitats très spécifiques, des zones côtières à végétation typique de la toundra à proximité d’estuaires vaseux, participe à rendre ses populations fragiles. Par exemple, tout au long des côtes asiatiques, les estuaires connaissent de vastes plans d’aménagement. Et sur leurs sites de reproduction, les Bécasseaux spatules sont menacés par les prédateurs comme les Renards polaires et les labbes. Depuis 2005, la population ne cesse de dégringoler: certains sites ont connus des diminutions de 70% !
Des programmes de conservation et de sensibilisation sont actuellement en cours, tel que le Saving the Spoon-billed Sandpiper. Le Wildfowl and Wetlands Trust a ainsi lancé un programme de reproduction en captivité. Objectif: pouvoir organiser à l’avenir des lâchers d’individus en milieu naturel et renforcer les populations.
L’exemple du Condor de Californie
Le Condor de Californie, qui fait partie de ce que l’on appelle les Vautours du nouveau monde, est un des oiseaux les plus imposants au monde avec ses presque 3 m d’envergure. Si les ancêtres du Condor ont peuplé toute la côté pacifique de l’Amérique du nord, son aire de répartition a grandement diminué au fil des millénaires, faute de proies en quantité suffisante.
En les chassant et en détruisant leurs habitats, les colons déclenchèrent le compte à rebours de cette espèce. En 1978, il ne restait qu’une trentaine d’individus en milieu naturel. Le développement progressif d’un mouvement en faveur de la nature le sauvera d’une extinction certaine. En 1980, un programme intensif de conservation fut mis en place, avec reproduction en captivité, notamment suite à la capture du dernier condor sauvage. Si le succès reproductif en captivité fut long à se mettre en place, ce programme permit en 1992 de voir à nouveau un Condor de Californie de voler en milieu naturel. On dénombre aujourd’hui 231 Condors de Californie selon l’IUCN, ce qui en fait un oiseau particulièrement menacé. Néanmoins, si l’avenir du Condor ne tient qu’à un fil, sa population est en hausse et très surveillée par les scientifiques.
S’il reste beaucoup d’oiseaux menacés, les programmes de conservation et de sensibilisation du public permettent des avancées significatives. Sans faire preuve d’optimisme béat, il faut malgré tout garder espoir !
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Sources et recommandations :
- Photo manchot antipode : Frédéric Pelsy
- Photo Condor de Californie : Espèces menacées
- Revue « Espèces », numéro 22, « Drôles d’oiseaux, rares et méconnus »
- « Le livre des oiseaux rares« , Dominic Couzens, Ed. Delachaux et niestlé
- Image à la Une : Patrick Hendry